La
première catastrophe ferroviaire : la
faute de la double traction ?
Nous sommes sur la ligne de
Paris à Versailles par la rive gauche.
Le 8 mai 1842, un train, chargé de 770
personnes placées dans 17 voitures et
long de 127 mètres, ramène à Paris des
participants d'une fête donnée à
Versailles. La double traction est
nécessaire : une locomotive à deux
essieux, de type ancien déjà, et une
locomotive à trois essieux plus récente.
Au passage à niveau du Pavé-des-Gardes,
à Meudon, la première locomotive,
poussée trop vite par la seconde,
déraille. Les 2 locomotives versent et
enflamment les voitures pulvérisées
derrière elles, le feu se communiquant
à toutes les voitures du train. Le bilan
est impressionnant, avec ces voitures
brûlant à grand feu et dans lesquelles
meurent des voyageurs...parce qu'ils sont
enfermés à clé ! La catastrophe fait
164 victimes, dont 55 morts, parmi
lesquels l'explorateur Dumont d'Urville.
Il semble que la cause de la catastrophe
soit bien une rupture d'essieu de la
première locomotive, trop faible par
rapport à la seconde, et poussée par
cette dernière à une vitesse trop
grande. La double traction sera
désormais l'objet d'une certaine
suspicion. En attendant, on cesse d'enfermer
les voyageurs à clé.
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Une double
traction avec 2 locomotives type 141 E du
PLM (Millbrook House Ltd)
Au début du siècle,
un grand débat
La question est toujours
posée, en 1903 : la double traction,
pensent les ingénieurs, entraîne un
risque de déraillement pour la 2e
locomotive du fait de la surcharge du
premier essieu et du délestage du
dernier essieu. Les débats sont très
vifs et sont repris dans deux numéros de
la Revue générale des chemins de fer
avec des pages remplies d'équations,
pour démontrer que la double traction ne
présente aucun danger sous la condition
formelle que chacune des deux locomotives
utilisées puisse atteindre seule, sur la
ligne considérée, la vitesse atteinte
en double traction. Pourtant le préjugé
persiste, et, lors de déraillements, on
incrimine souvent un coup de frein
malheureux que le mécanicien de la 2e
locomotive aurait donné, créant alors
une brusque tension des attelages entre
les locomotives et une réaction violente
au niveau des attelages du train. Il faut
du doigté pour conduire en double
traction, et il faut bien synchroniser
les mouvements, le 2e conducteur se
réglant sur ceux du 1er.
La petite locomotive
et la double traction
Les réseaux britanniques
pratiquent une politique de la petite
locomotive à 2 ou 3 essieux moteurs
maximum, pensant qu'il est plus facile d'ajuster
l'effort de traction et la consommation
à la demande en multipliant, s'il le
faut, les locomotives dans un train. Les
ingénieurs britanniques pensent qu'une
grande locomotive risque souvent d'être
sous-utilisée dans la mesure où les
trains peuvent être courts. C'est ainsi
qu'en Angleterre on voit, au XIXe siècle,
de grands express tractés par deux
petites locomotives. En Europe
occidentale, on construit des grandes
locomotives pour les grandes lignes, et
des petites pour les autres. En trafic
marchandises, l'accroissement du poids
des trains est tel que souvent on voit
deux grosses locomotives en tête, comme
ce fut souvent le cas avec les 141R en
France. La traction diesel, par manque de
puissance, connaît des problèmes,
identiques pour les trains de voyageurs.
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